Photographie de recurving
J'enlève mes chaussures d'un coup de pied. Elles s'écrasent contre le mur avec un bruit sourd. J'enlève ensuite mon t-shirt blanc, trempé de la sueur inhérente à n'importe quel trajet en Californie. Je le jette sur le sol avec le reste de mes vêtements et marche d'un pas hésitant jusqu'à la salle de bain. Je peux sentir le sel de ma transpiration irriter mes lèvres. L'eau fraîche s'abat sur moi et martèle mon dos, aussi endolori que celui d'un vieillard. A 28 ans, quelle tristesse !
Puis je repense à mon chef de service, celui là même qui m'a incendié plus tôt dans la journée parce qu'il ne supportait pas ma gueule d'effronté, comme il a dit. Et bien tant mieux, j'en avais marre de la sienne. Je ne pense qu'à une seule et unique image, déjà utilisée par Bukowski pour caractériser ce sale con. Il est aussi vide qu'un lapin de Pâques.
Je sors de la douche pour observer mon reflet dans le miroir de ma chambre, sans même prendre la peine de me sécher. Mes cheveux ne sont qu'eau et sueur. De lourdes cernes entourent mes yeux. Travaille. Mon ventre commence déjà à s'élargir et je pince sans mal le gras qui s'y situe. Mange. Ma queue parait triste d'avoir été si longtemps délaissée. Baise.
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On sonne à la porte. Je m'approche de la fenêtre et voit la fine silhouette de ma mère. Je décide de ne pas répondre.
- Ouvre ! Je sais que tu es là, j'ai reconnu ta voiture de l'autre côté de la rue !
- ...
- Me prend pas pour une conne Julien, ouvre !
- Bon ok, une seconde.
J'enfile un boxer et me traîne jusqu'à la porte que je déverrouille. Après une latence de quelques secondes, elle l'ouvre et entre, habillée d'un soupir d'exaspération. J'allume un joint. Vite.
- Qu'est-ce que tu fais là ? Ça te prend comme ça de monter dans un avion pour traverser l'Atlantique et venir voir ton fils adoré ?
Je ricane derrière un volute de fumée odorante.
- Oh épargne moi ton ironie et tes sarcasmes. Et éteint moi ça !
- Non.
- Bref. Tu ne vas même pas me serrer dans tes bras ?
Je m'exécute.
- Tu m'excuseras de le dire, mais la dernière fois qu'on s'est vu, tu étais dans un meilleur état.
- Il me manque, c'est tout. Encore quatre mois.
La chaleur rend quasi imperceptible le frisson qui parcoure le bras de ma mère. Je tire de nouveau sur le joint. Je me dirige vers le réfrigérateur et prend une bouteille d'eau.
- Tu veux...
- Non merci, j'ai laissé Bruno à l'hôtel. Il veut aller visiter les studios d'Hollywood.
- Bien.
- On est au Madre Teresa Hotel. Je te pose leur carte ici, chambre 109. Appelle, si tu as quand même envie qu'on discute.
Je l'embrasse de nouveau en murmurant un "désolé". Elle tourne les talons et sort. Je la regarde monter dans un taxi, conduit par un mexicain dont la moustache me fait penser au guidon d'un vélo. L'engin s'éloigne.
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Je bois un peu d'eau. Le téléphone sonne. Numéro australien. Je décroche.
- Tu me manques.
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